lundi 20 février 2012

"la révolution moins 5" de Ridha Tlili, la conscience que ce qu'on a en face...


J'y étais un peu préparé pour avoir déjà vu « Jiha » ; mais c'était aussi une surprise, une autre belle surprise que « La révolution moins 5 » de Ridha Tlili. C'est le portrait d'un groupe de tagueurs, ahl elkahf, aritstes alternatifs et révolutionnaires jusqu'au bout des ongles. Comme dans Jiha, Ridha Tlili se met entièrement au service de ses personnages, sans prétention, sans manière, avec une humilité que bien des cinéastes considèrent comme un renoncement. Sa principale qualité est là : se mettre au service de ses personnages n'exclut pas le talent, mais l'appelle et suppose une confiance dans l'image et l'assurance d'en faire un bel usage. Si la révolution devait avoir une vertu pour les cinéastes, ce serait bien celle-là : la conscience que ce qu'on a en face de la caméra est digne d'être filmé. On peut ne pas être d'accord avec ces jeunes tagueurs (je ne vois pas comment d'ailleurs), mais la beauté de leur geste est le résultat d'une composition. Ce n'est ni de l'embellissement artificiel ajouté par un discours préalable et plaqué ni une qualité immanente aux personnages, c'est le fruit d'une rencontre, celle d'un regard et d'un sujet, l'agencement secrètement habile de la posture d'un imagier observateur et d'une sacrée bande de jeunes. On les voit dans différents lieux, dans un bureau discuter (ils discutent souvent, de politique, de philosophie, d'art, sans se lasser ni lasser), dans la rue souvent la nuit ou au petit matin, garnissant les murs de la ville de leurs dessins et slogans, sur la terrasse d'une maison émettant sur une radio privée, à la faculté des beaux arts parmi les étudiants, sur la place publique assistant à un concert de El hamaim el bidh, etc.. tels quels ; ils sont attachants par la sincérité et l'intelligence de leur engagement. Mais le temps que le cinéaste met à les filmer, l'endroit où il se place, la distance, l'angle la fixité ou la mobilité de sa caméra tout cela, difficile à remarquer (à force de justesse) fait que de l'ensemble produit une impression à la fois de grande vérité, de beauté et de sympathie. Ridha Tlili est tout entièrement pris par son sujet comme s'il était partie prenante de la joyeuse bande mais, secrètement distant, il s'offre toujours l'espace qui permet l'observation et ménage au spectateur la place nécessaire pour suivre les personnages et les aimer.
Un autre cinéaste à suivre

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